Le Paradoxe du Cacao : Une Richesse Tropicale aux Circuits Inégaux
Chaque saison, des millions de cultivateurs à travers la ceinture tropicale du globe se consacrent avec patience et savoir-faire à la récolte d’un trésor végétal précieux : les fèves de cacao.
Leur labeur aboutit à une production annuelle avoisinant les 5 millions de tonnes, dont l’origine géographique révèle une concentration frappante. En effet, plus de 50% de cette manne mondiale émerge de seulement deux pays d’Afrique de l’Ouest – la Côte d’Ivoire et le Ghana – véritables géants incontournables du cacao, où des millions de petites exploitations familiales perpétuent des techniques culturales souvent transmises de génération en génération.
Pourtant, dans un paradoxe économique révélateur des déséquilibres Nord-Sud, la majeure partie de la valeur ajoutée se crée bien loin des plantations originelles. C’est principalement en Europe, berceau historique de l’industrie chocolatière, que ces fèves brutes entament leur métamorphose en produits finis. Près de 35% de la récolte mondiale y subit une transformation industrielle sophistiquée pour devenir pâte de cacao, beurre raffiné ou poudre aromatique. Les Pays-Bas se distinguent particulièrement dans ce processus, avec une capacité de broyage impressionnante représentant 12% du total mondial – soit près de 600 000 tonnes annuelles – faisant du port d’Amsterdam un hub stratégique incontournable.


À plus modeste échelle mais avec un prestige qualitatif reconnu, la Suisse transforme quant à elle environ 1% de la production globale, perpétuant ainsi une tradition chocolatière d’excellence qui contribue largement à sa réputation gastronomique internationale.
Cette dissociation géographique entre zones de production et centres de transformation illustre les complexités d’une filière mondialisée où la valeur économique migre sensiblement du Sud au Nord, posant avec acuité la question d’une plus juste répartition des bénéfices tout au long de la chaîne de valeur.
Un marché volatile aux enjeux globaux
Cette industrie mondiale, bien que en croissance constante depuis quatre décennies, fonctionne au rythme de cycles économiques erratiques. Les cours, soumis à une volatilité chronique, oscillent au gré des aléas climatiques, des crises politiques et des déséquilibres structurels entre offre et demande. Après l’effondrement des prix de 2016-2017 (consécutif à une surproduction historique), la tendance haussière actuelle masque mal la précarité des 6 millions de producteurs face aux géants de la transformation.
« Un système de conversion précis (établi par l’ICCO) permet de retracer cette économie complexe, où chaque produit dérivé trouve son équivalent en fèves brutes – rappel symbolique que derrière chaque tablette se cache tout un écosystème tropical » – ICCO, Bulletin °2, 2025
La Suisse : Petit Transformateur, Grand Savoir-Faire
Notre pays occupe une position singulière dans ce paysage : bien ne transformant qu’1% du cacao mondial (contre 12% pour les Pays-Bas voisins), la Suisse a bâti une réputation d’excellence chocolatière. Ses importations – 143 233 tonnes en 2023, majoritairement en fèves brutes – se muent en produits finis haut de gamme, selon un système de conversion rigoureux établi par l’ICCO. Cette transformation locale, alliant tradition et innovation, permet à la Suisse d’exporter son savoir-faire bien au-delà de ses frontières.
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